Le rapport intitulé « Alerte sur le marché du lithium : les premières batteries au sodium sont annoncées en Chine », et relayé par l’Agence Ecofin rappelle que la première génération de batteries sodium-ion a été lancée en 2021 par l’entreprise chinoise CATL, qui compte parmi ses clients les géants automobiles Tesla, BMW ou Volkswagen.
Mais les recherches ont beaucoup évolué en moins de deux ans, à telle enseigne que le premier cas d’utilisation de cette technologie devrait intervenir au quatrième trimestre 2023. CTAL a confirmé que constructeur automobile chinois Chery devrait être le premier à utiliser ses batteries au sodium dans son modèle de véhicules à énergie nouvelle (NEV), iCar, qui sera lancé avant la fin de l’année en cours.
Notons que, même si elles ne sont pas encore adaptées à certaines applications comme les smartphones et les ordinateurs portables, les batteries au sodium pourraient engendrer une réduction de la demande mondiale de lithium allant jusqu’à 37% d’ici à 2035.
Selon l’Agence Ecofin, le fabricant de batteries se targue d’être parvenu à concevoir une batterie sodium-ion dont la stabilité « dépasse les exigences réglementaires », et dont la densité énergétique peut atteindre 160 Wh/ kg. Mieux, il prévoit déjà une deuxième génération qui aura une densité de plus de 200 Wh/kg.
De son côté, Renault et sa filiale chinoise Jiangling Motors Electric Vehicle (JMEV) ont annoncé qu’un nouveau modèle de véhicule, l’EV3, sera doté d’une batterie sodium-ion, alors que BYD prépare une offre de batterie mixte : une partie des cellules en sodium-ion, une autre en LFP (Lithium-fer-phosphate).
Moins cher
L’intérêt croissant des constructeurs automobiles pour les batteries au sodium tient au fait que cette technologie alternative est moins onéreuse que le lithium.
Une batterie au sodium coûte 20% moins cher par kilowattheure qu’une batterie au lithium. Cela s’expliquerait par le fait que le sodium est beaucoup moins cher que le lithium, car beaucoup plus abondant (dans les sels de roche et les saumures du monde entier) et mieux réparti sur le globe, lit-on dans les colonnes de l’Agence Ecofin.
La fabrication d’une batterie sodium-ion ne nécessite pas également de nickel ou encore de cobalt, comme c’est le cas dans les cellules de batteries lithium-ion. De plus, l’extraction du sodium est moins coûteuse et plus respectueuse de l’environnement que l’extraction du lithium. Ainsi, le remplacement du lithium par le sodium permettrait de réduire de 10% le coût d’un véhicule électrique, a-t-on appris du média en ligne.
Vers une baisse de la demande de lithium
Toutefois, la balance penche encore en faveur du lithium en matière de densité énergétique. Selon les experts, la densité énergétique des batteries au sodium est 25 % moins importante que celle des batteries LFP. Une évolution des recherches pourrait cependant réduire cet écart, car contrairement aux batteries au lithium, les batteries au sodium en sont aux premières générations.
En attendant, plusieurs analystes pensent que le sodium, à défaut de représenter une grosse menace pour le marché du lithium, pourrait grignoter sur des segments de marché spécifiques, notamment les véhicules électriques low-cost, et relâcher ainsi la pression sur la chaîne d’approvisionnement du lithium.
Le rapport élaboré par notre confrère Louis-Nino Kansoun précise d’autre part que les batteries au sodium ne peuvent pas pour le moment concurrencer celles au lithium dans tous les domaines d’application.
Les batteries sodium-ion ont des particularités qui limitent la portée de leur utilisation. Outre une densité énergétique plus faible (elles stockent moins d’énergie par unité de poids ou de volume), ces batteries se caractérisent par la fragilité de leurs électrodes qui ont tendance à se dégrader plus rapidement que celles des batteries lithium-ion, ce qui réduit leurs performances globales et leur durée de vie.
Les batteries au sodium sont, de ce fait, moins adaptées aux applications portables telles que les smartphones et les ordinateurs portables, qui nécessitent des batteries légères et à haute densité énergétique.
Malgré ces points faibles, le sodium représente aujourd’hui un concurrent sérieux au lithium dans les domaines des batteries de véhicules électriques et du stockage de l’énergie. Dans ce cadre, le fournisseur de données sur les énergies propres BloombergNEF s’attend à ce que la croissance des batteries au sodium réduise la demande mondiale de lithium de 37 %, soit 1,4 million de tonnes d’ici 2035.
Il s’agit cependant d’un scénario extrême qui impliquerait que les mineurs de lithium ne parviennent pas à suivre le rythme de la consommation de la prochaine génération de batteries haut de gamme et que les risques de pénuries prolongées se concrétisent, a écrit le média cité plus haut.
Le scénario de base envisagé par BloombergNEF prévoit que le sodium prendra des parts sur le segment le moins cher et le plus bas du marché automobile en Chine, et remplacera jusqu’à 272 000 tonnes de la demande de lithium en 2035. Ce chiffre représente environ 7% de la demande du métal gris à cet horizon.
Des ambitions bridées en Afrique ?
Pour sa part, le cabinet d’étude de marché Precedence Research estime que la taille du marché mondial des batteries sodium-ion passera de 0,86 milliard de dollars en 2022 à 4,8 milliards de dollars d’ici 2032, ce qui représente un taux de croissance annuel moyen de 19,3 % durant cette période.
D’autres cabinets s’attendent, quant à eux, à ce que le marché mondial des batteries sodium-ion, enregistre un taux de croissance annuel moyen allant de 15 à 17%, a encore précisé l’Agence Ecofin.
Qui rappelle que, dans une étude conduite en 2020, l’agence minière nationale chilienne (Cochilco) prévoyait que la demande mondiale de lithium devrait atteindre près de 2 millions de tonnes en 2030, dont 79% proviendraient du secteur automobile. Mais ces prévisions pourraient être revues à la baisse en cas d’accélération de l’adoption des batteries au sodium. La possibilité que les niveaux de croissance prévus pour le prix du lithium baissent existe aussi.
Cette situation pourrait pousser les compagnies actives sur les projets de lithium en Afrique à revoir leurs prévisions de rentabilité. En dehors des mines en production au Zimbabwe, les projets les plus avancés se trouvent pour le moment en RD Congo, au Mali, au Ghana et en Namibie. Pour ces compagnies comme pour les pays hôtes, un éventuel essor des batteries au sodium pourrait impliquer qu’il faille réduire les espoirs de recettes attendues.
Deux pays africains devront particulièrement surveiller les évolutions sur le marché des batteries. Il s’agit de la RD Congo et de la Zambie, qui travaillent depuis plusieurs mois sur un projet commun pour développer une industrie locale de batteries de véhicules électriques et se positionner ainsi sur d’autres maillons de la chaîne de valeur des minéraux critiques que ces pays possèdent dans leur sous-sol (lithium, cobalt, nickel, etc.).
Les pays africains producteurs du lithium sont plus que jamais appelés à réexaminer leurs plans et à revoir leurs prévisions de bénéfices en prenant en compte non seulement le risque que représente la concurrence des batteries au sodium, mais aussi d’autres alternatives au émergentes comme la technologie VRFB (Vanadium Redox Flow Battery). Selon les prévisions du cabinet Guidehouse Insights, les déploiements annuels de systèmes VRFB à l’échelle mondiale devraient atteindre environ 32,8 GWh par an d’ici à 2031, soit un taux de croissance annuel composé (TCAC) de 41 %, a conclu l’Agence Ecofin dans son site internet.
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