Des soldats malawites de la SAMIDRC, à Goma, le 20 février 2024. ARLETTE BASHIZI / REUTERS
Devant le quartier général des troupes internationales africaines dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC), seuls les drapeaux ont changé. A la place des étendards kényan, burundais, ougandais et sud-soudanais flottent désormais les couleurs de l’Afrique du Sud, de la Tanzanie et du Malawi. Les trois pays ont envoyé mi-décembre 2023 les premiers contingents de la SAMIDRC, la force de la Communauté de développement d’Afrique australe (SADC).
Le bâtiment, un ancien hôtel de Goma, la capitale du Nord-Kivu, était encore occupé début décembre par l’état-major d’une autre mission régionale, celle de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC). Chassées par le gouvernement de Kinshasa au bout d’un an d’intervention, les troupes est-africaines étaient accusées de passivité et de complicité avec le Mouvement du 23-Mars (M23), une rébellion réapparue en RDC après dix ans de sommeil, épaulée par le Rwanda.
Cette fois-ci, face aux insurgés, le mandat de la SAMIDRC, de douze mois renouvelables, est « offensif », assurent les autorités congolaises. Mais jusqu’à présent, le camp pro-gouvernemental n’a pas réussi à barrer la route au M23 et à leurs alliés, qui gagnent du terrain dans la province depuis le début de la guerre, fin 2021.
Soupçons de complicité
Depuis mi-février, le front sud (Goma et ses environs), où se concentre la force régionale, est figé. Aucune opération de reconquête n’a été lancée par Kinshasa. « Une tactique militaire défensive éhontée », dénonce la société civile du Nord-Kivu dans un communiqué daté du lundi 11 mars. Ce regroupement d’associations citoyennes soupçonne une complicité de certains gradés de l’armée congolaise avec les « ennemis », notamment sur le front nord, situé à une centaine de kilomètres de Goma.
Dans cette zone, le M23 et ses alliés continuent d’élargir leur emprise. Le 6 mars, la cité stratégique de Nyanzale est tombée après d’intenses pilonnages qui ont coûté la vie à au moins quinze personnes, selon un bilan établi par des notables locaux. Le 11 mars, les rebelles ont aussi été aperçus à Vitshumbi, un village sur les rives du lac Edouard, qui fait frontière avec l’Ouganda, et à Rwindi, une importante base militaire congolaise, sans qu’aucun combat n’ait été rapporté. « Les FARDC [Forces armées de la RDC] ont fui avant l’arrivée du M23 », explique Jean-Claude Mbabaze, le président de la société civile du territoire de Rutshuru.
Pendant ce temps, les moyens militaires et les effectifs promis par les pays contributeurs de la SAMIDRC arrivent au compte-goutte à Goma. Selon un document de la SADC signé mi-décembre et consulté par Le Monde, « la force, de la taille d’une brigade [environ 5 000 hommes], sera dotée de soutiens aériens et d’artillerie ». Mais pour l’heure, aucun de ces engagements n’est pleinement respecté, confirment plusieurs sources, qui ne précisent ni les types d’armement, ni combien de soldats sont déjà sur place.
Le président sud-africain, Cyril Ramaphosa, avait certifié qu’il fournirait plus de la moitié des troupes en envoyant 2 900 militaires en RDC. Mais des contestations de l’opposition et des contraintes internes à l’armée sud-africaine, notamment financières, pourraient l’obliger à revenir sur cette déclaration du 12 février. Deux jours après ce discours, deux soldats sud-africains étaient morts suite à l’explosion d’un mortier dans l’enceinte de Mubambiro, à une quinzaine de kilomètres à l’ouest de Goma.
Ce campement militaire congolais, qui est aussi l’une des bases de la SAMIDRC, était en première ligne début février lors de l’offensive lancée par le M23. Difficile de savoir si les soldats de la force régionale étaient en position de combat ou s’ils sont plutôt des dommages collatéraux causés par le bombardement. « Le problème, c’est qu’ils ne communiquent pas », déplore une source onusienne.
Des miliciens en première ligne
Dans ce contexte, l’objectif de la SADC de restaurer la paix et l’autorité de l’Etat congolais dans la partie est du pays semble encore lointain. « Pour l’heure, c’est l’armée qui gère en bilatéral avec toutes les forces en présence, poursuit la source onusienne. Il n’y a pas de coordination, y compris entre la SAMIDRC et la Monusco [la mission de l’ONU, présente en RDC depuis plus de vingt ans]. »
Le commandant de la SAMIDRC, le général major sud-africain Monwabisi Dyakopu, connaît pourtant bien le terrain congolais puisqu’il est un ancien casque bleu. Il a été numéro 2 (de 2016 à 2017) puis numéro 1 (de 2020 à 2021) de la brigade d’intervention de la force de l’ONU. Cette unité a d’ailleurs participé à défaire le M23 en 2013, lors de sa première insurrection.
La visite des chefs d’état-major de la SADC, début mars à Goma, n’a pas permis l’ouverture d’un dialogue entre les nombreux acteurs engagés sur le terrain. Deux sociétés militaires privées – Congo Protection, dirigée par le Roumain Horatiu Potra, et Agemira, dont le patron, Olivier Bazin, est français – collaborent aussi avec l’armée congolaise et assurent la maintenance des aéronefs. Des soldats burundais sont également présents sur le front, en vertu d’un accord entre Kinshasa et Gitega.
Enfin, de nombreux miliciens, regroupés sous l’appellation de « wazalendo » (« patriotes », en kiswahili), tentent aussi de résister aux offensives du M23 . Ces groupes armés ont pourtant souvent combattu le gouvernement congolais par le passé et certains seigneurs de guerre, comme Guidon Shimiray Mwissa, du groupe NDC-R, sont sous sanction des Nations unies.
« Les wazalendo ne sont pas concernés dans la planification des opérations », justifie un gradé de l’armée congolaise. Ces combattants sont pourtant en première ligne, souvent seuls, lors des affrontements. « Le souci, c’est que l’Etat congolais cherche toujours des gens pour faire la guerre à sa place », conclut une source militaire qui a requis l’anonymat.
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